Stage  » émaux haute température ».

Régulièrement, je reçois des stagiaires pour une semaine d’initiation aux émaux haute température. Il viennent des quatre coins de France et parfois de l’étranger. Jusque-là, l’ambiance a toujours été détendue, amicale et studieuse. Après que chacun s’est présenté avec ses expériences et ses attentes, je résume les principaux objectifs du stage: fabriquer ses propres émaux avec des matériaux simples et peu nombreux.



D’abord, comprendre ce qu’est un émail. Il s’agit toujours de composer un silicate et donc de réussir à faire fondre la silice grâce au phénomène de l’eutectique… Sur la table, les minéraux de base nécessaires pour fabriquer ses premiers émaux: feldspath, silice, chaux, kaolin, talc, oxyde de fer, auxquels on peut ajouter cendres et roches de cueillette. Avec tout cela, on peut déjà faire pas mal de choses et travailler quelques années. Encore faut-il savoir les associer. Je précise la place de chacun sur le tableau tripartite: oxydes basiques – amphotères – oxydes acides.



Premier exercice pratique: quelques recettes simples à partir de cendre, feldspath et silice (certaines donneront des résultats très intéressants, une preuve que la simplicité paie…). On tamise, on secoue, on pèse, on mélange… On poursuit en utilisant la roche d’une carrière locale (on s’y rend si la météo le permet).


Dans l’étape suivante, on acquiert une méthode dans laquelle les calculs sont simples: faire varier trois éléments, dans le cadre d’un triangle. 


triangle wollastonite

Une série d’essais où nous avons fait varier wollastonite, feldspath et ocre. Dans d’autres cas on peut utiliser une cendre, une roche de carrière…


Mercredi en fin de journée, c’est l’enfournement et l’allumage du four. La cuisson se termine le jeudi vers 14 heures. Le jeudi après-midi est généralement libre. Parfois, on sort ensemble s’oxygéner, visiter le vieux Puy en Velay…



Les derniers jours sont généralement consacrés au calcul moléculaire. Un premier temps d’explication, un second pour des premiers calculs et un troisième pour des essais à partir d’un diagramme choisi dans le livre de Daniel de Montmollin, auquel nous nous référons sans cesse.

Le vendredi après-midi ou le samedi matin, vient le moment tant attendu: l’ouverture four! Suivent, les séances photo et l’analyse des résultats. Nous produisons parfois plus de 150 essais. Parmi eux, chacun trouvera déjà de quoi émailler des pièces et j’espère que ce sera le début pour tous d’un travail fécond de recherche.


Une forêt d’essais…


La semaine est l’occasion de discussions autour de l’émail et de bien d’autres sujets, que ce soit pendant le travail ou pendant les pauses. Je remercie Monique, hôtesse et cuisinière qui participe largement à la bonne ambiance de la semaine.  Souvent ces liens de travail et d’amitié se poursuivent au delà de la semaine de stage…


Un moment de pause


J’anime donc, à la demande, des stages pour s’initier à la fabrication d’émaux haute température. L’objectif du stage émail est de produire des émaux personnels, bon marché, avec un nombre très limité de matériaux (roches et cendres) et en même temps de s’initier à des méthodes efficaces de recherche avec lesquelles on pourra progresser.

Pour répondre aux souhaits de certain(es), j’anime aussi des stages « mixtes » qui allient tournage et initiation à la fabrication d’émaux hautes températures: tournage le matin et émail l’après-midi.

Si vous êtes intéressés, n’hésitez pas à me contacter (06 73 05 43 73).



Pour l’année 2024, je propose:

. du 19 au 23 février 2024, un stage émaux hautes températures (utilisation de roches et de cendres)

. Entre le 12 et le 30 août, un stage émaux hautes températures (430€) et un stage « mixte »(480€) (tournage le matin, émail l’après-midi). Les dates exactes seront fixées avant l’été. Vous pouvez déjà exprimer vos préférences.

N’hésitez pas à me joindre par mail ou par téléphone pour des renseignements supplémentaires.

hubert.rouchouze@wanadoo.fr   (06 73 05 43 73)

Pour des renseignements « hébergement », veuillez me contacter.

Si vous êtes un groupe de 3 minimum, vous pouvez toujours me proposer une autre date qui vous conviendrait.

Voir les conditions sur mon site: http://www.poterie-ardhuy.fr/stages.php

N’hésitez pas à me contacter par mail ou par téléphone (04 71 65 15 82).

Une métaphore du corps humain?

Pour décrire une poterie, vient naturellement le vocabulaire que l’on utilise pour décrire une personne.


Dans ce billet, exceptionnellement, toutes les pièces présentées ne sont pas de ma fabrication. Les autres, qui m’appartiennent, sont des oeuvres de différents potiers. Pour ces dernières, sous chaque photographie, est indiqué le nom du (de la) potier(e).


le pied. Toutes les poteries n’en possèdent pas, ou alors est-il à peine esquissé. Il en existe de multiples sortes. Certains sont dégagés de la masse par le tournassage, d’autres sont ajoutés après ce dernier. J’aime parfois en tourner un à partir d’une petite boule de terre collée au cul d’un bol par exemple. Même si on ne distingue pas le rajout, l’allure est tout à fait différente de celui tournassé dans la masse. L’élégance d’une pièce a souvent à voir avec lui comme dans le bol ci-dessous de Robert Deblander. Peut-être à l’image des jambes d’une femme…

Bol de Robert Deblander, cuit au bois (1970). Le pied ,parfaitement intégré, affirme l’élégance et la simplicité de la pièce.

Bol, émail magnésien, cuisson au bois. Le pied a été tourné après le tournassage.

Bol,de Micheline Eschenbrenner, émail shino, cuisson au gaz.

Le ventre (la panse). C’est l’essentiel du contenant. Il définit le volume et le caractère de la pièce.

Théière en grès, émail à la cendre, cuisson réductrice au gaz.

l’anse, comme un bras, naît généralement sur l’épaule. Comme le pied, elle participe à l’élégance de la pièce. Il en existe une infinité de formes. Elle peut être tirée (comme celles présentées ici), tournée, extrudée (d’une filière), modelée…

Théière de Robert Deblander, 1970. Tout est beau dans cette pièce: la terre de Puisaye, nue mais magnifiée par la cuisson au bois, le volume, et l’anse qui lui apporte sa personnalité.

l’épaule est sans doute la partie la plus importante dans la réussite de la pièce. Elle doit être tendue, forte. Pendant le tournage, ou le modelage de celle-ci, l’attention du potier est maximale. Qu’elle s’amollisse ou qu’elle s’affale et c’est perdu.

Pour ce futur pichet, j’ai essayé de tendre l’épaule et le col (le cou) au maximum. C’est ce qui donnera de la force à la pièce. Les deux sont séparés par une arrête sur laquelle je pourrai appuyer l’anse.


la lèvre termine la poterie. Elle peut être épaisse, mince. Elle peut s’écarter ou rester dans l’alignement… Souvent elle est soulignée par l’émail qui prend un aspect différent, dû à la cuisson.

Bol, émail blanc magnésien sur roche. L’émail, à la cuisson,souligne la lèvre, sans que le potier ne soit intervenu.

Reste l’émail, que l’on peut comparer, suivant les cas, à une peau ou à un vêtement.

Bol de Maxime Defer, sigillée.

Bol de Daniel de Montmollin, nucléations. Une peau ou une robe?

Bol, superposition de deux émaux. A la limite de la peau et du sous-vêtement raffiné.

Théière de Suzy Atkins. Engobe, cuisson au sel, décor à l’or. Pour moi, c’est une robe…

Pichet,émail blanc magnésien, cuisson au gaz en réduction, 1300°. La panse crée le volume. L’anse,comme un bras, naît sur le passage de l‘épaule au col (cou) et s’appuie sur le bas de la panse. (Les anses me posent question. Dois-je les poser sur le col ou sur l’épaule? Ici, on est entre les deux. Etait-ce le bon choix?) C’est une seule courbe qui dessine la silhouette du pichet, du bas du ventre jusqu’à la lèvre et jusqu’au bec (la bouche). L’émail blanc, comme une peau épaisse, recouvre le tout.


Qu’est-ce qu’une poterie? Un volume, un corps… dans lequel le potier dépose son âme. A travers cette pensée japonaise, on dépasse les notions de vocabulaire et de métaphore. Au premier regard, on perçoit la forme et l’aspect extérieur. Mais fabriquer une poterie, c’est aussi une aventure intérieure. Dans toutes les civilisations, les poteries ont tutoyé l’humain et le sacré. A ce sujet, on peut revoir le film: Dans un jardin qu’on dirait éternel.

Nos poteries nous racontent-elles ?

A l’image  des œuvres des peintres, écrivains et autres artistes , nos poteries parlent-elles de nous, individuellement et collectivement?  « Madame Bovary, c’est moi! » Peut-on en dire autant d’une poterie ? Certainement pour les oeuvres « artistiques » comme les modelages dans lesquelles le créateur s’exprime.  Mais pour une poterie « utilitaire »?


Musuchasi (réserve des eaux usées lors de la cérémonie du thé)


Un des plus beaux compliments qu’on m’ait fait, c’est celui d’une dame sur un marché : «Vos poteries, on les reconnaît tout de suite ». Faut-il en déduire qu’elles me ressemblent ou qu’elles racontent quelques chose de moi? C’est évident pour tous les grands potiers: on reconnaît immédiatement une pièce de Robert Deblander, de Pierre Bayle, de frère Daniel de Montmolin, de Julia, de Mohy, de Norbert Pierlot, de René Ben Lisa… pour ne citer que la génération des années 1960-1990… Lorsque l’on a connu ces potiers, il est évident que leurs pièces racontent un peu leurs auteurs. Je pense même que pour certains, elles en disent plus que leurs écrits.


bol cuit en atmosphère oxydante, émail « gouttes d’huile », avec réserve


Peut-être, dans un avenir plus ou moins lointain, causeront-elles réellement. Georges Charpak, prix Nobel de physique, émit un jour une idée. Il imagina que dans l’atelier d’un potier grec de l’antiquité, durant le façonnage d’un vase sur le tour, les sons, les bruits et surtout les paroles avaient pu s’enregistrer sur les sillons laissés par les doigts de l’artisan. Une machine future pourrait alors restituer les voix et les sons antiques comme le fait aujourd’hui un lecteur de CD.


Bol, émail à la cendre sur roche (carrière du Maconnais)


En attendant, je pense qu’en regardant, en touchant, en utilisant une pièce artisanale d’un potier, on perçoit quelque chose de sa personne et peut-être tutoie-t-on un peu son « âme ». Je trouve mes pièces souvent un peu « raides », sans fantaisie. Une dame, devant mon stand, dans un marché du sud de la France: « C’est beau mais c’est triste ». De quoi réfléchir sur soi-même! Certainement que nos choix de formes et d’émaux révèlent un peu de nous-mêmes.


bol cuit au bois, émail blanc magnésien, cuisson au bois


Sans doute, nos poteries nous trahissent-elles. Peuvent-elles mentir? Nous pouvons, devant autrui, utiliser des artifices, tenter de cacher nos médiocrités, essayer de tricher… Mais ce que nous avons façonné?


bol, émail de cendre sur roche


Nos poteries n’ont pas la parole; mais sont-elles pour autant muettes? Que reflètent-elles? Certainement un peu de l’humain que nous sommes. Impossible de ne pas penser à l’un des plus beaux vers de Racine (Néron à Junie dans Britannicus): « Vous n’aurez point pour moi de langages secrets. /J’entendrai des regards que vous croirez muets« . Sont-elles un peu notre regard? J’espère au moins que nos poteries font naître des émotions. « Objets inanimés, avez-vous donc une âme…« . C’est pour cela que, parfois, leurs utilisateurs s’y attachent. Belle récompense pour le potier.


Bol, émail tenmoku, cuisson au bois.


Dépassons les personnes. Les poteries expriment aussi un peu de la civilisation et de la génération qui les fabriquent?  La lumière des poteries Song, le raffinement, parfois exagéré dans le décor, des poteries Ming, l’austérité des bols coréens et japonais… En observant les poteries utilitaires et cultuelles amérindiennes, c’est un nouveau monde que l’on découvre dans les céramiques anthropomorphiques de ces anciennes civilisations: aztèque, maya, olmèque, zapotèque, nazca, wari, cupisnique, mochica… Une façon de côtoyer et de toucher nos frères du passé.


pichet, émail blanc sur roche


Chez nous, après le grès « sauvage » de la génération 68, que signifie cet engouement pour le blanc de la  porcelaine, de la part de la « génération Apple » comme l’appelle Clémentine Dupré? J’ai de la peine à esquisser une réponse. La formation assez formatée des écoles d’art appliqué? Certainement, mais insuffisant.


assiettes blanches, émail blanc magnésien.


Il est assez rare que nous soyons satisfaits de nos pièces à la sortie du four. Un peu comme nous le sommes de nous-mêmes. Si nos céramiques disent quelque chose de nous, c’est souvent malgré nous. Existerait-il un Freud ou un Lacan de la céramique? Qu’il se fasse connaître! Nous nous étendrons sur son divan d’argile.

Le Four à bois du Labouret

Une aventure collective. Nous avions déjà construit un four à bois chez Mich, à Saint-Genest-Malifaux, en 1986. Il s’ouvrait comme une gueule de crocodile. Après les quelques aléas du début, il a fonctionné quelques années puis s’est assoupi au milieu des herbes folles. Il y a une petite quinzaine d’année, le feu qui couvait sous la cendre s’est rallumé. j’ai remis le sujet sur le table. Nous étions un bon groupe autour de Mich. Le projet a germé. Nous étions prêts à reconstruire un four à bois. La décision fut prise de constituer une association loi 1901: Le Four à bois du Labouret était né.



On est à 1000 m d’altitude!

Il fallait en choisir le modèle. Nous sommes allés en voir chez différents potiers; nous avons épluché Paroles de feu (édité par le Musée Palissy) pour enfin choisir le plan qui nous convenait: celui de Jean Girel, un four de type Sèvres, à flamme renversée, alimenté par deux alandiers extérieurs. Nous avons adapté son volume à nos besoins ( 2/3 de mètre cube en volume utile). Philippe, le mari de Mich, nous a établi un plan précis à la brique près. Chacun a abondé le compte commun du four pour payer les matériaux. Nous avons racheté un vieux four à bois de Marc et Arlette Simon (au Chambon sur Lignon), qu’il a fallu démonter et dont il a fallu trier et transporter les briques… Nous avons préparé les lieux, démonté l’ancien four, coulé une nouvelle dalle…


Un four à flamme renversée: la flamme qui part des alandiers fait le tour de l’enfournement pour ressortir par la cheminée.

La construction pouvait commencer. Je pensais qu’une quinzaine de jours plus tard, nous allumerions le premier feu. Le chantier a duré deux ans. Les briques achetées d’occasion étaient toutes de tailles différentes; on a fait et refait la toiture de l’abri… Certains y ont occupé leurs week-ends et une partie de leurs congés. Philippe qui nous avait accompagnés de son expertise nous a quittés à la fin du chantier.


On enfourne aujourd’hui sur des plaques fines (1450°). La flamme qui arrive par les deux murettes qu’on distingue de chaque côté, envahit le four, redescend par l’espace central, puis par un canal central situé sous l’enfournement avant de ressortir par la cheminée.

Nous avons fait rentrer du bois (des gros rouleaux de scierie) que nous avons recoupés. Nous en avons abrité une partie. Nous pouvions envisager de cuire. Le matériel d’enfournement que nous avions acheté avec les briques avait déjà beaucoup vécu: de vieilles plaques Norton, bien voilées et assez fendues.Mais on ferait avec. Plus tard, on s’offrirait (d’occasion aussi, mais en parfait état) de belles plaques minces, plus légères et non voilées (Christal, 1450°).


La porte d’entrée est presque fermée. On distingue les deux regards du bas et du haut.

Après un premier enfournement, nous allions pouvoir allumer ce feu. Les volontaires du petit matin (qui ont pour habitude de dormir sur place au Labouret) ont profité du silence matinal et du réveil des oiseaux. L’allumage a été un peu délicat. Le feu et l’enfournement étaient encore un humides. A la mi-journée, certains s’inquiétaient. la montre 1100° du bas ne tombait pas.

On commence à charger le bois par les ouvertures du bas

puis par celles du haut.

– Il faudrait moins réduire. -Tu crois pas qu’on devrait débraiser. -Mais non, au contraire, il faut moins charger et ouvrir en bas pour brûler les cendres qui s’accumulent jusqu’au niveau de l’entrée des flammes dans le four. – On aurait besoin d’un pyromètre: on ne sait pas si la température monte ou descend. – Inutile, il ne servirait qu’à alimenter le stress… Dans ces cas-là, chacun donne son avis… Au coucher du soleil, il y a toujours un épisode d’amélioration du tirage. les montres ont commencé de tomber. La cuisson avait duré plus longtemps que ce qui était écrit sur le livre. Toute l’équipe était soulagée. Si ma mémoire ne me trahit pas, au défournement, les résultats furent très satisfaisants.



Des retrouvailles joyeuses. Depuis une douzaine d’année, nous cuisons entre deux et quatre fois par an. Chaque fois, c’est une journée d’enfournement, une journée de cuisson et, un peu plus tard, une journée de défournement et de remise en ordre. Trois jours de travail et de fête!


C’est 1€50 le kilo! Au défournement , on pèse les pièces cuites et la trésorière (Françoise) encaisse la somme due. Il faut bien payer les charges: assurance, bois, matériel et matériaux indispensables…


En dehors des cuissons, on a plaisir à se retrouver pour couper du bois, pour nettoyer les abords… pour réunir l’assemblée générale de l’association, pour réveillonner ensemble, pour partager des sorties… Nous avons aussi initié des manifestations, des expositions qui nous permettent de présenter nos travaux. Autant d’occasions de se retrouver, de prendre des nouvelles, de discuter de la marche du monde, de manger et de boire ensemble, bref de vivre…


Mich, lors d’un de ses derniers défournements.

Nous avons connu des épreuves: les décès de Mich (après celui de son mari Philippe), qui était l’âme de ce groupe, Annie, une des plus fidèles du Labouret depuis les années 70 et Françoise, notre trésorière. Mais de nouveaux amis sont venus rejoindre l’association. Et surtout, les enfants (et petits enfants) de Mich continuent de nous héberger et de nous supporter. Ils ont même mis à notre disposition l’atelier, son matériel et son four à gaz. la vie du Four à bois du Labouret continue…

A la mémoire de Mich et de Philippe, d’Annie et de Françoise.

Cuire au bois.

Une expérience céramique multimillenaire. Le rêve de beaucoup de potiers? Il me semble qu’on assiste à un regain d’intérêt pour ce type de cuisson depuis quelques années.

Ma rencontre avec la cuisson au bois eut lieu chez Norbert Pierlot, à Ratilly, au cours d’un stage, en juillet 1970. J’avais réussi à glisser une pièce dans le four.  Je suis resté là jusqu’à ce que tombe la dernière montre, cône 9. Dans les années qui ont suivi, ce feu ne m’a plus quitté. Je savais qu’un jour, je cuirais au bois.



L’attente a duré une douzaine d’années. En 1982, J’ai pu installer un atelier, plutôt rustique. J’ai lu et relu B. Leach (Le livre du Potier) et D. Rhodes (Les Fours). J’ai opté pour un four chaînette, l’un des plus simples à construire. J’ai dû l’abandonner quatre ans plus tard; mais par la suite, j’ai participé à la construction de deux autres fours « hautes températures » chez Mich Eschenbrenner. J’y reviendrai dans un prochain billet: le four à bois du Labouret.



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bol, émail blanc magnésien avec réserve


Un geste multimillénaire. Faire du feu! L’enfant réclame des allumettes pour allumer le papier qu’il a placé sous les brindilles et le bois disposé au dessus. Les feux de l’enfance et de l’adolescence. Le feu qui réchauffe, le feu qui éclaire, le feu qui cuit… mais qui peut aussi embraser et détruire. Comme l’écrit Bachelard: il brille au paradis, il brûle en enfer. Pour le potier, il y a eu la terre et l’eau. Le feu est la dernière étape, celle qui va révéler son travail, le magnifier comme l’annihiler.



Cuire au bois, c’est participer physiquement à la cuisson: préparer le bois, le ranger, l’enfourner. C’est un rapport direct avec le feu, les flammes, la fumée. Imaginez les cuiseurs des grands fours tunnels orientaux, plusieurs jour devant le brasier. Dans l’alandier, le feu est plutôt violent. A l’intérieur du four, telle qu’on peut la voir par les regards, la flamme enveloppe les pots avec douceur. Elle transforme d’abord le tesson puis l’émail. La flamme de rouge cerise passe à l’orange puis au jaune. Les émaux se mettent à briller. La fin de la cuisson approche. On ouvre les regards de plus en plus souvent pour surveiller les montres…



Un four à bois: un espace de silence, mais aussi un lieu de rencontre et de convivialité. Il m’est arrivé de cuire seul, à deux ou en groupe. Dans tous les cas, il est des longs moments de silence. Le matin, à l’aube, après l’allumage, l’activité est réduite. C’est un temps pour la nature environnante: la lumière, le vent, parfois la pluie, les bruits, les oiseaux … Ensuite, les mains s’occupent et c’est le temps de la pensée et du rêve. Les soucis de la vie, les amours, les projets… Mais le bruit sourd du feu, cette vie à l’intérieur, invisible et si proche, nous ramènent à nos pots. Tout est encore possible. On craint parfois le pire mais on imagine aussi le meilleur et, pourquoi pas, quelques petits miracles que ce diable de feu … On rêve…


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Yunomi, cuit au bois, voile de cendre sur tenmoku.


Evidemment c’est aussi un lieu de rencontre et de partage. Il est assez rare que l’on cuise seul. Le four agit comme un aimant. On y retrouve les amis, les anciens et les nouveaux. On se relaie à l’enfournement. On mange et on boit ce que chacun a apporté, – toujours trop, on va en garder pour ce soir -. On diverge parfois sur les mesures à prendre: réduire plus ou moins longtemps, débraiser ou ralentir la cadence, ouvrir ou fermer les arrivées d’air… On reprend les notes des fours précédents. On surveille l’indicateur de températures. On ouvre tour à tour le regard du haut, celui du bas, pour voir où en sont les montres. Et pourquoi la 1260 du bas ne bouge pas? Mais le feu a son rythme propre dont on ne maîtrise pas tous les paramètres, en particulier la météo. Si le four a déjà fait ses preuves, la dernière montre finit toujours par tomber. On a préparé la mixture (coulis, cendre…). On bouche toutes les entrées d’air et on le laisse se reposer et refroidir.

De retour à la maison: Comme tu sens la fumée! Mets tout ça dans la machine. Le feu, lui, il brûle encore à l’intérieur. Dans quelques jours, on ouvrira la boite aux trésors…

Des fours à bois, il en existe une grande diversité. Dans leur fonction d’abord: pour de la terre vernissée, du raku, ou de la haute température? Dans leur construction ensuite: tirage direct, flamme renversée, four tunnel… Dans certains, les poteries sont à l’abri de la flamme, dans d’autres, au contraire, on en recherche le contact. Il ne s’agissait pas ici d’établir une fiche technique. Vous trouverez des indications dans les livres déjà cités. Je voudrais juste ajouter deux ouvrages faciles à lire: La poterie de Daniel de Montmollin (en particulier le chapitre 5: Le feu) et surtout Paroles de feu. Les fours à bois en France. Dans ce dernier, on trouve les descriptions et les plans précis de divers fours à bois construits par des potiers français.

Une journée pour découvrir la terre…

Une bonne idée qu’a eu cette maman pour les fêtes : offrir à ses deux filles (et à elle-même) une journée découverte à la poterie d’Ard’huy.

Pour le premier contact avec la terre, nos trois apprenties potières façonnent un bol à partir d’une boule d’argile. On creuse, on étire, on presse, on redresse cette terre qui ne cherche qu’à s’écarter de l’objectif.

Deuxième technique : le colombin. Chacune part pour un nouveau bol. Les résultats s’avèrent parfois différents de l’objectif, mais les contenants auront leur place dans la cuisine.

Troisième technique : le travail à la plaque. Toutes choisissent de monter un plat à gratin. Pascale, la maman, est la plus ambitieuse. Elle souhaite un plat d’une taille suffisante pour nourrir toute la famille. Ses filles ne sont pas en reste. Les résultats sont plutôt réussis.

Les plats à gratin prennent forme

le plaisir de toucher la terre

Vers 13 heures, c’est la pause repas avec toute la famille du potier, enfants et petits-enfants ; c’est les vacances.

L’après-midi, on passe aux choses sérieuses : un premier apprentissage du tournage. Le potier montre les gestes de base : centrer, creuser, monter et enfin donner la forme. Le centrage est toujours un geste difficile pour les débutants. Après plusieurs essais et l’aide du potier, nos deux jeunes femmes sortent leur première œuvre du tour. Bravo les filles ! Il est plus de 19 heures, l’heure du nettoyage. Une journée bien remplie et qui, je l’espère, laissera des souvenirs et peut-être l’envie de continuer.

 

Pas facile le centrage

 

Bravo Bertille!

Il restera une séance d’émaillage (une heure ou deux pendant un week-end) lorsque les poteries sèches auront été dégourdies (cuites une premières fois à 950°). Elles seront fonctionnelles après la seconde cuisson à 1300°.

Je propose (à la demande) une journée pour découvrir plusieurs aspects du travail de la terre (6 heures minimum). Une bonne idée pour une activité en famille ou en petit groupe, un anniversaire, un cadeau, un enterrement de vie de jeune fille… Les occasions ne manquent pas. Comptez entre 120 et 200€ (tout compris, fournitures…) – l’émaillage et la cuisson sont en sus – pour un groupe entre 2 et 5 personnes maximum. Le repas peut être pris sur place (12€, boissons et café compris).

Chawans, bols de thé, bols…

L’intérêt pour la céramique d’extrême-orient ne date pas d’aujourd’hui, mais depuis quelque temps, le mot chawan (cha:thé, wan:bol) est devenu très à la mode, peut-être en lien avec notre curiosité pour la cérémonie du thé.  Il ne désigne ni plus ni moins qu’un bol. L’objet qui donne sa forme au thé! Uniquement destiné au thé ? Je laisserai les spécialistes trancher. Plusieurs traditions se mêlent dans le chawan: chinoise, coréenne, japonaise… avec du vocabulaire, des influences, des techniques de façonnage, d’émaillage et de cuisson…  qui s’influencent les uns les autres. L’intérêt pour cette céramique extrême-orientale vient de culminer avec la vente d’un bol de la période Ming (XVème siècle) à plus de 32 millions de dollars (soit plus de 26 millions d’euros !) chez Sotheby’s.


bol cuit au bois, émail tenmoku


Je pense que cela va de pair avec le développement d’une nouvelle consommation du thé, privilégiant la qualité. La consommation du thé nécessite un apprentissage, une culture… comme en témoigne le développement des commerces spécialisés. La Maison des Trois Thés (place Monge à Paris) en est le plus prestigieux exemple, avec ses grands crus et plus de mille références de thés.


bol cuit au bois, émail magnésien


Mais ce qui m’émeut dans un bol va au-delà de mon admiration pour ces poteries extrême-orientales. Il y a quelques années, j’ai eu entre les mains un catalogue d’exposition qui présentait des objets de la période pré-pharaonique d’une région qui se situerait  dans l’actuel Soudan. Parmi les photographies: celle d’un bol, très beau, en terre cuite brute, tourné probablement sur un tour à pied très rudimentaire… il y a plus de 5000 ans. Pourquoi cette émotion? Evidemment, à cause de la beauté simple et  presque austère de l’objet. Mais aussi parce que j’ai imaginé le potier de l’époque fabriquant le bol: la même concentration dans les gestes, le même contact avec la terre, le même plaisir du feu…  qu’en ce qui me concerne. Mais cet homme, au delà de l’espace et des millénaires, c’était donc mon frère!


bol avec réserve


Le bol est donc un objet universel, dans le temps et dans l’espace. La légende raconte que le premier bol aurait été moulé sur un sein de Vénus. Pas étonnant qu’il y ait une sensualité particulière dans cet objet céramique. Un côté aussi maternel. Objet universel, parce que dans toutes les civilisations d’hier et d’aujourd’hui, il occupe une place dans le quotidien alimentaire et parfois dans le culte du sacré. Quel est le jour où nous n’utilisons pas un bol? Il peut prendre tant de formes: bol d’hiver qui se ferme, bol d’été qui s’ouvre. Même dans notre langage familier le bol a pris ses aises: un bol d’air, avoir du bol, ras le bol…


bol, émail shino sur roche


Enfin, le bol est un objet apaisant. Apaisant à modeler ou à tourner et à émailler. Je me souviens d’une phrase de Jean Linard, dans les années 70, lors d’une visite chez lui: « Tourner des bols, ça me repose. » Ce n’est que plusieurs années plus tard que j’ai compris sa réflexion. Apaisant aussi lorsqu’on s’en sert, qu’on le tient dans les mains, qu’on le porte aux lèvres… Un objet thérapeutique? Pourquoi pas. Un objet de convivialité. Certainement. On n’a pas fini de fabriquer et d’utiliser des bols. Ça me rassure. J’adore faire des bols et les sortir du four.


bol en porcelaine, émail aux cendres de résineux

Adieu Mich …

Micheline Eschenbrenner, une grande dame de la céramique, nous a quittés mercredi 17 janvier 2018.



Pendant plus de 40 ans, elle a accueilli de très nombreux stagiaires au Labouret (Saint Genest-Malifaux dans la Loire). Certains revenaient chaque année, conquis par ses qualités de pédagogue et  par l’ambiance chaleureuse, familiale et studieuse de ces stages. Ces moments de vie ont été des moments de bonheur pour beaucoup. C’était une grande dame du « vivre ensemble ».

Elle était originaire de Bar-le Duc. Après ses études aux beaux-arts, elle a enseigné quelque temps les arts plastiques. Puis elle a suivi son mari Philippe à Saint-Etienne. C’est là qu’elle participe à l’aventure des Ateliers Educatifs (aujourd’hui: Ateliers de la Rue Raisin) avec Marceline Studer et Suzanne Porcherot (Zouzou).

Je l’ai rencontrée à la maison de la culture de Firminy (Loire) à la fin des années soixante. Elle y animait un atelier « poterie » exceptionnel par son ambiance et sa diversité. S’y côtoyaient: un garagiste, deux instituteurs, un fils de pasteur, une ouvrière qui reprenait le travail à l’usine le lendemain matin à 5 heures, un couple de femmes un peu âgées qui se chamaillaient comme on se chamaille dans un vieux couple, une femme d’opticien… et moi-même, jeune étudiant qui découvrait le travail de la terre … Attentive à chacun, elle avait su (déjà!) donner vie et âme à un groupe d’une grande mixité sociale.

Pendant l’été 1969, elle apprend à tourner chez Norbert Pierlot à Ratilly. Pour elle, c’est une nouvelle aventure qui commence d’autant plus que toute la famille s’installe au Labouret, en pleine campagne, dans la commune de Saint-Genest Malifaux. Elle y installe son atelier et bientôt y organise des stages (avec l’association des Ateliers de la Rue Raisin) pendant l’été et certains week-end du printemps et de l’automne. Curieuse de nature, dans de nombreux domaines, elle nous a fait découvrir des mondes nouveaux.



Chez elle, nous avons construit successivement deux fours à bois: saluons sa capacité d’accueil (et de celle de toute sa famille) et l’aide précieuse de son mari Philippe, ingénieur. Deux belles aventures à l’origine de « l’Association du four à bois du Labouret ».



Nul n’oubliera: son enseignement plein de justesse et de bienveillance. Ce n’est pas seulement  la technique qu’elle enseignait, mais le regard sur la pièce, sur les courbes, l’épaule, la lèvre, le pied…

Comment oublier les repas animés, les soirées ( concerts, spectacle de magie avec Roland Petiot, majong… ), les cuissons du four à bois, les discussions autour d’un verre ou d’un bol de thé à la table de la cuisine… Avec elle, dès 1980, nous avons rencontré régulièrement Frère Daniel de Montmollin à Taizé ou au Labouret . On se souvient aussi des sorties dans des galeries et chez d’autres potiers.


Mich et frère Daniel de Montmollin


Il faudrait évoquer la qualité et la sensibilité de son oeuvre céramique (grès et porcelaine). Passionnée par la recherche dans le domaine de l’émail, elle avait à coeur de trouver celui qui se marierait le mieux avec la forme de la pièce. Peu encline à se mettre en avant et à faire la promotion de son travail, elle a été trop tardivement, à mon goût,  reconnue par la profession.  Elle avait cependant un réseau de collectionneurs fidèles et depuis quelques années, on retrouvait son travail dans des galeries et des manifestations de haut niveau.



Lundi 22 janvier, sa famille et ses amis se sont retrouvés en l’église de Saint-Genest Malifaux pour lui dire adieu au cours d’une cérémonie très émouvante.

 

Les poteries ont un prix…

Oui, mais lequel ? Cette question, tous les artisans d’art se la posent. J’aimerais parfois savoir comment ils y répondent.

 

assiettes au soleil, émaux divers, entre 25 et 30€ l’assiette

 


 

Les artisans menuisiers, plombiers, maçons…établissent un devis en calculant le coût des heures passées, le prix des matériaux utilisés, l’amortissement des investissements…Ils surveillent les prix des concurrents  et doivent parfois tenir compte des capacités financières de leur clientèle.


 

assiettes blanches, émail blanc magnésien, 28€ l’assiette rectangulaire, 22€ l’assiette creuse.

 


Et les potiers? Ils travaillent avec ces mêmes contraintes mais ils ont plus de difficultés à fixer leurs prix. Certains clients trouvent mes prix élevés et certains de mes proches, qui connaissent bien mon activité, les trouvent trop bas.


 

Plat à gratin, émail à la cendre sur roche (marne),38€

 


Objectivement, les prix de la plupart des poteries et céramiques artisanales sont trop bas. Les miens ne faillissent pas à la règle. Combien de potiers travaillent en gagnant le SMIC horaire ?

On peut énumérer, dans le désordre, plusieurs raisons:

  • le temps passé dans la recherche est très important mais reste cependant invisible pour le public peu averti. J’ai dans des cartons des centaines (probablement des milliers) d’essais d’émaux. Chacun de ces essais m’a demandé la fabrication de  » la tuile « , plusieurs pesées au dixième ou au centième de gramme, un ou deux tamisages et les cuissons. Je ne les vends pas. Moins d’un sur dix fera l’objet d’un essai sur une vraie pièce. Lequel, au final, ne sera peut-être pas concluant !
  • Il en est de même pour le temps passé dans la recherche des matériaux : roches de carrière, cendres diverses. Nous, chercheurs d’émaux, aimons ramasser les fines produites dans les carrières qui concassent les graves et autres, destinées aux travaux publics et routiers. Il faut ensuite les tamiser…
  • Les pertes: dans une production où l’on cherche le renouvellement, le résultat n’est jamais garanti et les déceptions sont nombreuses.
  • Les nombreuses manipulations:préparation de la terre, tournage, tournassage, cuisson de dégourdi à 960°, émaillage, cuisson d’émail à 1300°…
  • Les modes de cuisson. Une cuisson au bois, c’est au moins trois jours de travail et parfois une nuit complète à charger du bois (sans compter la préparation du bois). Si c’est parfois beaucoup de transpiration, c’est aussi beaucoup de plaisir. J’y reviendrai dans un prochain billet. Ces pièces seront donc vendues plus chères, d’autant qu’elles sont souvent plus « vivantes » que des pièces cuites au gaz et à plus forte raison que celles cuites à l’électricité. Exemple: le même bol sera vendu 18€, cuit au gaz et plus de 30€, cuit au bois (à condition que le résultat justifie ces prix).

     

    boite cuite au bois, émail blanc magnésien, 44€

     


Alors, comment faire?

Pour ce qui me concerne, c’est d’abord le résultat qui va déterminer le prix. Si la pièce me plaît, je n’hésiterai pas à relever son prix par rapport à ses voisines, quitte à la conserver plus longtemps. A l’inverse, je préfère laisser partir à prix moindre des pièces qui m’intéressent moins.

La capacité financière du client est à prendre en compte. Sur un marché de potiers, il est difficile de proposer les mêmes prix que dans une galerie, sur un marché en Suisse ou en Bretagne…  A domicile, il m’arrive de faire une remise ou d’offrir une pièce en plus si les achats sont conséquents.

Reste la proportionnalité entre le temps de travail (ou sa difficulté) et le prix. Un exemple: la théière. Elle nécessite pas mal de travail: le corps principal, le couvercle, le bec, l’anse… Je répète souvent que tourner simplement le couvercle me prends plus de temps que tourner une plat à gratin. Cependant je vendrai cette théière  à peine deux fois le prix d’un plat à gratin. Sans doute, ai- je tort. Mais le résultat est là: les clients regardent les théières et achètent les plats à gratin.


 

Intérieur d’un bol cuit au bois, 34€.

 


 

Les écarts de prix entre les potiers témoignent de la difficulté à fixer un prix « juste ». Je viens encore de le remarquer au marché des Tupiniers à Lyon. Sur des pièces relativement équivalentes, les écarts peuvent être conséquents.

 


 

bol gris, shino sur roche,18€

 


 

Evidemment, faisons de la pédagogie; expliquons  et montrons notre travail au public. Nous sommes des acteurs du self-made et du slow-made tant à la mode aujourd’hui. Nous produisons généralement des pièces uniques. Et surtout, nous participons à la qualité de l’environnement quotidien de ceux qui nous font confiance.

Une belle poterie ? Comment la reconnaître?

C’était il y a quelques années, à l’occasion d’une exposition de Daniel de Montmollin, à La Compagnie de la Chine et des Indes à Paris. Le frère donnait une causerie-conférence dans le sous-sol de la galerie. Quelqu’un lui demanda comment on pouvait reconnaître une belle pièce, une belle poterie. Il répondit à peu près cela: placez-la dans votre jardin ou dans quelqu’autre cadre naturel…  Et voyez comment cela fonctionne. L’idée m’a paru féconde.


 

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assiette émail cendre sur roche (+ 6/°° d’oxyde de cuivre dans la roche)


Dans les photos qui suivent, chacun peut juger de la pertinence de cette réflexion et de l’intérêt de chaque pièce. Une poterie n’est pas une œuvre d’art. Elle a souvent une fonction ; sa forme, sa taille…doivent convenir à la main qui la tient, au contenu… Mais elle apporte aussi un plaisir, une humanité à notre quotidien. Pour autant doit-elle être belle ? Et quelle beauté ? Enfin, à chacun de juger !


 

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L’émail temmoku brillant a la fluidité de l’eau. La forme de la théière évoque l’architecture du vieux pont.

 


 

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Assiette, émail cendre sur roche

Evidemment, dans ce genre de photo, il ne faut pas que l’environnement nuise à la pièce et réciproquement.En aucun cas, il ne s’agit d’oeuvres d’art ( la poterie reste un artisanat comme je l’ai écrit dans le premier article) , ni de photos d’art. Je souhaite simplement montrer le rapport entre mon travail et la nature.


 

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 Email cendre sur roche


Dans mon travail, j’utilise essentiellement des produits de la nature (99 pour cent au moins!). La terre vient des carrières de Mr Cornille, près de la Borne. Les émaux, comme ceux de ce bol sont constitués de roches récoltées dans des carrières (où l’on produit des graviers pour le BTP) – c’est le cas de l’émail du dessous – et de cendres récoltées ou produites à la maison. Sur ce bol, il s’agit d’une cendre de bois ramassée en dessous de chez moi, près du ruisseau. J’y ai ajouté du feldspath (une roche) et de la silice (sable broyé). Pour l’assiette ci-dessous, c’est une cendre de lavande des pentes du Ventoux. C’est le cas pour la très grande majorité des mes poteries. Seulement dans le cas de l’émail rouge, j’ajoute 6 pour mille d’oxyde de cuivre dans la roche qui constitue l’émail du dessous.

Est-ce que le fait que les poteries soient produites ainsi leur apportent un caractères « naturel »? A chacun, son sentiment!


 

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La première assiette dans un autre cadre. Ici le rouge de cuivre contraste avec le vert (couleur complémentaire) de la mousse et le « désordre » des herbes sèches, des feuilles mortes… (contraste) avec la régularité du cercle. La réserve dans l’émail peut évoquer un élément naturel (branche…).


 

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Les tons du temmoku jouent avec les tons bruns et marron des branches et des pierres et contrastent avec le vert de la végétation. La lumière sur le mug et celle du ruisseau…


Ce billet ne cherche en aucun cas à démontrer que le travail à partir de produits issus de la nature est plus intéressant que d’autres travaux réalisés à partir de pâtes du commerce, d’émaux achetés tout prêts… On peut produire de très belles pièces avec ces derniers.

Vive la diversité! C’est peut-être le manque de diversité que je regrette un peu dans ce que je vois aujourd’hui lors des expositions ou des marchés de potiers… Beaucoup de grès blanc ou de porcelaine blanche décorés ou non. Une céramique conceptuelle,  un peu froide et glacée. La génération Apple comme l’appelle Clémentine Dupré. Mais, parfois aussi de la fantaisie, de l’imagination et de la couleur dans le décor. Le fruit des formations Beaux Arts, Art Déco…


 

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Là encore, on peut remarquer des correspondances de tons entre les mugs et l’environnement.


Evidemment, ce billet ne démontre pas la qualité ni l’intérêt des poteries présentées. C’est une forme d’exercice qui peut aiguiser le regard, poser des questions, remettre en cause des certitudes.

D’autre part, elles nous changent un peu des photos bien léchées: fonds unis, lumières soignées, cadre studio ou boutique…

On pourrait aussi présenter ces poteries ou d’autres dans leur cadre et leur usage familiers: la cuisine, la table, le zinc, le restaurant, le salon de thé… Sans doute, y trouverait-on d’autres caractères. Ce sera peut-être le sujet d’un autre billet.