Une métaphore du corps humain?

Pour décrire une poterie, vient naturellement le vocabulaire que l’on utilise pour décrire une personne.


Dans ce billet, exceptionnellement, toutes les pièces présentées ne sont pas de ma fabrication. Les autres, qui m’appartiennent, sont des oeuvres de différents potiers. Pour ces dernières, sous chaque photographie, est indiqué le nom du (de la) potier(e).


le pied. Toutes les poteries n’en possèdent pas, ou alors est-il à peine esquissé. Il en existe de multiples sortes. Certains sont dégagés de la masse par le tournassage, d’autres sont ajoutés après ce dernier. J’aime parfois en tourner un à partir d’une petite boule de terre collée au cul d’un bol par exemple. Même si on ne distingue pas le rajout, l’allure est tout à fait différente de celui tournassé dans la masse. L’élégance d’une pièce a souvent à voir avec lui comme dans le bol ci-dessous de Robert Deblander. Peut-être à l’image des jambes d’une femme…

Bol de Robert Deblander, cuit au bois (1970). Le pied ,parfaitement intégré, affirme l’élégance et la simplicité de la pièce.

Bol, émail magnésien, cuisson au bois. Le pied a été tourné après le tournassage.

Bol,de Micheline Eschenbrenner, émail shino, cuisson au gaz.

Le ventre (la panse). C’est l’essentiel du contenant. Il définit le volume et le caractère de la pièce.

Théière en grès, émail à la cendre, cuisson réductrice au gaz.

l’anse, comme un bras, naît généralement sur l’épaule. Comme le pied, elle participe à l’élégance de la pièce. Il en existe une infinité de formes. Elle peut être tirée (comme celles présentées ici), tournée, extrudée (d’une filière), modelée…

Théière de Robert Deblander, 1970. Tout est beau dans cette pièce: la terre de Puisaye, nue mais magnifiée par la cuisson au bois, le volume, et l’anse qui lui apporte sa personnalité.

l’épaule est sans doute la partie la plus importante dans la réussite de la pièce. Elle doit être tendue, forte. Pendant le tournage, ou le modelage de celle-ci, l’attention du potier est maximale. Qu’elle s’amollisse ou qu’elle s’affale et c’est perdu.

Pour ce futur pichet, j’ai essayé de tendre l’épaule et le col (le cou) au maximum. C’est ce qui donnera de la force à la pièce. Les deux sont séparés par une arrête sur laquelle je pourrai appuyer l’anse.


la lèvre termine la poterie. Elle peut être épaisse, mince. Elle peut s’écarter ou rester dans l’alignement… Souvent elle est soulignée par l’émail qui prend un aspect différent, dû à la cuisson.

Bol, émail blanc magnésien sur roche. L’émail, à la cuisson,souligne la lèvre, sans que le potier ne soit intervenu.

Reste l’émail, que l’on peut comparer, suivant les cas, à une peau ou à un vêtement.

Bol de Maxime Defer, sigillée.

Bol de Daniel de Montmollin, nucléations. Une peau ou une robe?

Bol, superposition de deux émaux. A la limite de la peau et du sous-vêtement raffiné.

Théière de Suzy Atkins. Engobe, cuisson au sel, décor à l’or. Pour moi, c’est une robe…

Pichet,émail blanc magnésien, cuisson au gaz en réduction, 1300°. La panse crée le volume. L’anse,comme un bras, naît sur le passage de l‘épaule au col (cou) et s’appuie sur le bas de la panse. (Les anses me posent question. Dois-je les poser sur le col ou sur l’épaule? Ici, on est entre les deux. Etait-ce le bon choix?) C’est une seule courbe qui dessine la silhouette du pichet, du bas du ventre jusqu’à la lèvre et jusqu’au bec (la bouche). L’émail blanc, comme une peau épaisse, recouvre le tout.


Qu’est-ce qu’une poterie? Un volume, un corps… dans lequel le potier dépose son âme. A travers cette pensée japonaise, on dépasse les notions de vocabulaire et de métaphore. Au premier regard, on perçoit la forme et l’aspect extérieur. Mais fabriquer une poterie, c’est aussi une aventure intérieure. Dans toutes les civilisations, les poteries ont tutoyé l’humain et le sacré. A ce sujet, on peut revoir le film: Dans un jardin qu’on dirait éternel.

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2 réflexions sur “Une métaphore du corps humain?

  1. Bonsoir Hubert, Merci pour ce petit article haut en illustrations et fort en texte. Cela fait comme un petit vent de terre qui vient nous chatouiller l’envie de travailler.‌ Vivement une cuisson au bois! Bises à vous deux Béa  

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