Une belle poterie ? Comment la reconnaître?

C’était il y a quelques années, à l’occasion d’une exposition de Daniel de Montmollin, à La Compagnie de la Chine et des Indes à Paris. Le frère donnait une causerie-conférence dans le sous-sol de la galerie. Quelqu’un lui demanda comment on pouvait reconnaître une belle pièce, une belle poterie. Il répondit à peu près cela: placez-la dans votre jardin ou dans quelqu’autre cadre naturel…  Et voyez comment cela fonctionne. L’idée m’a paru féconde.


 

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assiette émail cendre sur roche (+ 6/°° d’oxyde de cuivre dans la roche)


Dans les photos qui suivent, chacun peut juger de la pertinence de cette réflexion et de l’intérêt de chaque pièce. Une poterie n’est pas une œuvre d’art. Elle a souvent une fonction ; sa forme, sa taille…doivent convenir à la main qui la tient, au contenu… Mais elle apporte aussi un plaisir, une humanité à notre quotidien. Pour autant doit-elle être belle ? Et quelle beauté ? Enfin, à chacun de juger !


 

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L’émail temmoku brillant a la fluidité de l’eau. La forme de la théière évoque l’architecture du vieux pont.

 


 

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Assiette, émail cendre sur roche

Evidemment, dans ce genre de photo, il ne faut pas que l’environnement nuise à la pièce et réciproquement.En aucun cas, il ne s’agit d’oeuvres d’art ( la poterie reste un artisanat comme je l’ai écrit dans le premier article) , ni de photos d’art. Je souhaite simplement montrer le rapport entre mon travail et la nature.


 

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 Email cendre sur roche


Dans mon travail, j’utilise essentiellement des produits de la nature (99 pour cent au moins!). La terre vient des carrières de Mr Cornille, près de la Borne. Les émaux, comme ceux de ce bol sont constitués de roches récoltées dans des carrières (où l’on produit des graviers pour le BTP) – c’est le cas de l’émail du dessous – et de cendres récoltées ou produites à la maison. Sur ce bol, il s’agit d’une cendre de bois ramassée en dessous de chez moi, près du ruisseau. J’y ai ajouté du feldspath (une roche) et de la silice (sable broyé). Pour l’assiette ci-dessous, c’est une cendre de lavande des pentes du Ventoux. C’est le cas pour la très grande majorité des mes poteries. Seulement dans le cas de l’émail rouge, j’ajoute 6 pour mille d’oxyde de cuivre dans la roche qui constitue l’émail du dessous.

Est-ce que le fait que les poteries soient produites ainsi leur apportent un caractères « naturel »? A chacun, son sentiment!


 

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La première assiette dans un autre cadre. Ici le rouge de cuivre contraste avec le vert (couleur complémentaire) de la mousse et le « désordre » des herbes sèches, des feuilles mortes… (contraste) avec la régularité du cercle. La réserve dans l’émail peut évoquer un élément naturel (branche…).


 

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Les tons du temmoku jouent avec les tons bruns et marron des branches et des pierres et contrastent avec le vert de la végétation. La lumière sur le mug et celle du ruisseau…


Ce billet ne cherche en aucun cas à démontrer que le travail à partir de produits issus de la nature est plus intéressant que d’autres travaux réalisés à partir de pâtes du commerce, d’émaux achetés tout prêts… On peut produire de très belles pièces avec ces derniers.

Vive la diversité! C’est peut-être le manque de diversité que je regrette un peu dans ce que je vois aujourd’hui lors des expositions ou des marchés de potiers… Beaucoup de grès blanc ou de porcelaine blanche décorés ou non. Une céramique conceptuelle,  un peu froide et glacée. La génération Apple comme l’appelle Clémentine Dupré. Mais, parfois aussi de la fantaisie, de l’imagination et de la couleur dans le décor. Le fruit des formations Beaux Arts, Art Déco…


 

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Là encore, on peut remarquer des correspondances de tons entre les mugs et l’environnement.


Evidemment, ce billet ne démontre pas la qualité ni l’intérêt des poteries présentées. C’est une forme d’exercice qui peut aiguiser le regard, poser des questions, remettre en cause des certitudes.

D’autre part, elles nous changent un peu des photos bien léchées: fonds unis, lumières soignées, cadre studio ou boutique…

On pourrait aussi présenter ces poteries ou d’autres dans leur cadre et leur usage familiers: la cuisine, la table, le zinc, le restaurant, le salon de thé… Sans doute, y trouverait-on d’autres caractères. Ce sera peut-être le sujet d’un autre billet.

 

 

13 réflexions sur “Une belle poterie ? Comment la reconnaître?

  1. Jolies photos et belles pièces. Mais attention à ne pas prendre le lecteur pour plus bête qu’il ne l’est déjà : les couleurs complémentaires sont étudiées en primaire :-)

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  2. Auriez-vous des sources concernant la façon de fabriquer des émaux uniquement à partir d’éléments trouvés dans la nature ? Je cherche désespérément des recettes, notamment à base de cendres de végétaux. Si vous avez des bouquins ou sites à conseiller, je suis preneuse ! :)

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    • Le livre de Daniel de Montmollin: Pratique des émaux de cendres qui vient d’être réédité. Mais je conseillerais aussi une initiation (type stage) avec quelqu’un qui pratique cela (ex: avec Patrick Buté, avec moi-même…) pour commencer.

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    • Avec du retard… Deux propositions. D’abord le livre (incontournable) de Daniel de Montmollin (Pratique des émaux haute température et émaux de cendre). Ensuite commencer seule avec un bouquin, ce n’est pas toujours facile; dans ce cas un stage pour commencer (ensuite, l’émail c’est le travail de toute une vie): chez moi (voir infos) ou chez Patrick Buté par exemple (ou d’autres encore mais il ne sont pas nombreux à traiter des roches et des cendres).

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  3. C’est magnifique, ça me touche au cœur… vous m’aidez à comprendre ce qui me bouleverse depuis que j’ai commencé à toucher et à tourner la terre il y a quelques semaines : c’est donner forme à une autre expression de la nature. J’espère venir apprendre chez vous. Merci !

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